Le titre sonne comme un ordre militaire. C’est l’effet voulu. Je trouve que la polarisation actuelle des débats résonne à la manière d’un cri de caporal. Gauche droite, gauche droite, gauche droite ! De nos jours, il faut être tout l’un ou tout l’autre. Pas de place pour le centre. Pourtant, c’est là où je me situe. Et je me sens pas mal seul sur mon île…
La vie politique actuelle et les débats de famille ressemblent à une patinoire avec deux équipes aux philosophies irréconciliables. D’un côté, la gauche qui réclame des transformations sociales et environnementales rapides ; de l’autre, la droite qui défend la souveraineté du territoire, l’initiative individuelle, le libéralisme économique. Au milieu, le centre est en étau, il suffoque, alors que c’est précisément dans cette zone grise que se trouvent les solutions les plus équilibrées. Sur la scène québécoise, il semble qu’il faille de plus en plus choisir son camp et ses francs-tireurs : Jeff Fillion et Éric Duhaime contre Gabriel Nadeau-Dubois et Laure Waridel. Vous voyez le genre ?
Je me souviens pourtant qu’il n’y a pas si longtemps, j’entendais Jean-Marc Léger commenter un sondage démontrant que les Québécois, dans une vaste majorité, sont centristes. Vous me pensez peureux en optant pour le centre ? Indécis ? Confortable et indifférent ? Eh bien, pour moi, être centriste n’est pas un refuge pour tièdes. C’est la recherche du meilleur compromis. C’est reconnaître les justes revendications sociales et environnementales tout en célébrant l’initiative individuelle et la créativité économique. C’est, au fond, l’art de récompenser l’effort tout en garantissant une sécurité collective.
Au Canada, et particulièrement au Québec, on a réussi, non sans peine, au fil des décennies, à forger une société en équilibre entre la gauche et la droite. Nous alternons au pouvoir les partis se réclamant d’un côté puis de l’autre. Remarquez, tout est une question de perspective : les Chinois nous trouvent trop à droite, les Américains beaucoup trop à gauche.
Je suis peut-être mal placé pour en parler, mais je trouve qu’il y a beaucoup trop d’opinions dans les médias : les émissions de radio, les journaux, la télé. On invite des débatteurs en sachant bien qu’il faut assister à une joute, à un show. Il faut que ça parle fort. Ça fait de la bonne télé, de bonnes cotes d’écoute, et ça engendre des clics. Mais on n’invite pas les centristes. C’est plate, un centriste : ça recherche la nuance et le compromis. Ça ne crie pas, c’est même parfois silencieux. On pourrait même penser que ce n’est pas très courageux. Bref, au sein d’une société de spectacles, ils ne sont pas très payants.
Un centriste, c’est aussi allergique au clivage, à la radicalisation, laquelle, disons-le, est amplifiée par les algorithmes des réseaux sociaux. Nourris de nos clics et de nos opinions, ils nous persuadent que quiconque pense différemment de nous est irresponsable ou malveillant. Bye bye dialogue. Au revoir perspective.
Suis-je un extraterrestre si je ne m’identifie ni aux Wokes ni aux Proud Boys ? Ne me croyez pas mou : j’aime débattre de temps à autre, parlez-en à mes collègues de travail. Mais ces temps-ci, je m’ennuie de l’époque où le plus grand débat polarisant était la rivalité Canadiens-Nordiques.