Chroniques

Temps de lecture : 3 min 0 s

La fatigue de l’image

Le 11 avril 2024 — Modifié à 13 h 30 min le 11 avril 2024
Par Roger Lemay

En politique, il y a le début et il y a la fin. Nul n’y échappe. Les débuts de carrières, nées les soirs d’élection sont fracassants, d’une intensité inouïe. Les nouveaux élus ressentent une espèce d’ivresse, passant (souvent) instantanément de l’anonymat aux feux de la rampe.

Humainement, l’adrénaline doit être au plafond, sérieux, ça doit être grisant. Souvenez-vous de la déclaration d’amour d’Alexis Brunelle-Duceppe à son père en pleine soirée électorale. Qui n’a pas ressenti l’émotion ? Mais ces moments passent, les combats dans l’arène politique laissent des traces et en viennent à ternir ce qui a séduit de prime abord l’électorat ; l’image.

La politique, par sa nature même, est un endroit où l’image joue un rôle crucial. Les politiciens, en tant que figures publiques, sont constamment sous les projecteurs, scrutés par les médias et le public. Au fil du temps, cette exposition constante entraîne forcément une forme de fatigue de l’image, où la réputation et l’attrait d’un politicien s’érodent aux yeux du public.

Prenez l’exemple de Justin Trudeau. Ce n’est sûrement pas l’épaisseur de son curriculum vitae qui a impressionné l’électorat lors de sa première campagne. Mais il était jeune et beau, avait un nom prestigieux, une belle épouse, de jeunes enfants. Il avait tout pour séduire et représentait le futur. Aujourd’hui, avouez, il semble flétri. Séparé, impopulaire, pour employer une expression sportive il a un genou à terre, meurtri.

Peut-être ne l’est-il pas au fond de lui, mais c’est ce qu’il dégage, c’est son image. C’est ce dont il donne l’impression. Et l’impression en politique devient vite la réalité. Lors d’une entrevue avec Alec Castonguay de Radio-Canada il y a quelques jours, en réponse à une question de l’animateur, il a répété qu’il trouvait son job très difficile, qu’il songeait à le quitter « à tous les jours ». À votre avis, donne-t-il l’image de quelqu’un étant d’attaque pour une autre campagne ? Exit le jeune premier.

Vous vous souvenez des débuts de François Legault ? À peine élu premier ministre, arrive la pandémie. Une période difficile, contraignante pour les citoyens, obligatoirement confinés. Or M. Legault nous a tous donné l’impression d’être un bon père de famille. On y a cru. Sa cote de confiance était au maximum. Aujourd’hui, après des virevoltes répétées sur le 3e lien, des négos difficiles avec les employés de l’État et un déficit de 11 milliards, l’image du brillant homme d’affaires est pas mal au tapis.

Au profit de qui d’ailleurs ? Paul St-Pierre-Plamondon, qui vient de passer de zéro à héros, surtout depuis la victoire du PQ dans Jean-Talon. Vous auriez dû voir l’accueil qu’il a reçu il y a quelques semaines au Lion Bleu à Alma lors de sa dernière tournée ; une rock star. Pourtant il n’y a pas si longtemps, PSPP trainait à la remorque. Même l’ ex-chef du PQ Lucien Bouchard avait qualifié de « pas fort » la direction du parti sous la gouverne de St-Pierre-Plamondon, alors que les électeurs québécois souhaitent maintenant l’avoir comme premier ministre. Pourtant il n’a rien changé, ni de son discours, ni de son programme. La seule différence ; depuis la victoire lors de la partielle d’octobre dernier, il projette aujourd’hui une image de gagnant.

On vient à peine d’enterrer l’ex-premier ministre Brian Mulroney, sous un concert d’éloges. Mais il était pratiquement devenu un paria après l’affaire Airbus, qui a duré des années. Même René Lévesque, le visionnaire, l’adulé, le porte-parole de tout un peuple, le symbole de l’affranchissement des Québécois, a terminé sa carrière avec des couteaux plantés dans le dos.

En outre, de nos jours, l’omniprésence des réseaux sociaux et la rapidité avec laquelle l’information circule peuvent amplifier les erreurs et les faux pas, rendant plus difficile pour les politiciens de maintenir une image positive sur le long terme. La fatigue de l’image peut alors s’installer rapidement, menant à une baisse de confiance et de crédibilité. Car, à part de rares exceptions, les carrières en politiques sont relativement de courte durée. Au moindre faux pas, c’est la spirale vers le bas, et on cherche déjà de nouvelles têtes.

Vous connaissez la chanson du groupe Eagles intitulée New Kid In Town ? Ça parle du phénomène éphémère de la popularité. La chanson dit : « They will never forget you ‘til somebody new comes along ».

Il me semble donc qu’on en est là, à Québec et à Ottawa.

Abonnez-vous à nos infolettres

CONSULTEZ NOS ARCHIVES